Projet d’épisode : Touché-Coulé

 A l’heure où ces lignes sont tapées, l’année 2012 commence à fleurir comme un artichaut joufflu que Patateman arrose consciencieusement. Mais il pense aussi à autre chose : cette même année correspond au centenaire du naufrage d’un célèbre paquebot, qu’on disait insubmersible, jusqu’au moment où il s’est ramassé la tronche contre un gros glaçon, démentant du même coup sa réputation. En l’occurrence, c’est Morgan Robertson qui aurait trouvé une note d’humour noir dans cette tragédie stupide.

 Mais quel rapport avec Patateman, vous demandez-vous avec angoisse ?

Le 7ème art va se sentir mal…

 C’est que Patateman va se découvrir dans ce projet d’épisode une nouvelle passion : l’adaptation très personnelle de grands succès du cinéma, à savoir le Titanic de James Cameron, qu’il a beaucoup apprécié, même s’il a grandement été surpris par la chute du film, à savoir que le paquebot finit au fond de l’eau, les-petits-bateaux… voilà un dénouement auquel il ne s’attendait pas du tout.

 La romance des deux tourtereaux l’a touché, manquant par là de s’étrangler avec ses pop-corn durant le visionnage, et il se retrouve un peu dans certains traits de caractère de Jack Dawson, son impertinence et sa jovialité surtout.

 Bref, Patateman décide donc de réaliser sa propre version du Titanic, dans laquelle il sera le Jack Dawson patatifère en rôle titre, sa Patategirl enthousiaste et motivée sera l’équivalent de Rose Dewitt Bukater, et toute une flopée de patates figurantes remplira la célèbre barcasse.

Auberginos jouera le rôle du salopard, dont, à l’instar du Mordor, on n’écrira pas le nom ici. Ce bon vivant (Auberginos, pas le Mordor) est surtout une feignasse, un profiteur et un pique-assiette qui ne vient dans les fêtes que s’il est sûr de pouvoir se goinfrer à l’œil, il a donc toutes les qualités requises pour ce rôle. Radis-man, de par son caractère acidulé et corsé, fera un mauvais garçon idéal, compère du méchant incarné par Auberginos.

  L’Auteur de la BD Patateman a même été réquisitionné depuis le monde réel –du moins sa doublure graphique – pour la mise en scène, le tournage, et les négociations avec un Tomateman trésorier du projet et rongé par l’angoisse à la simple idée des dépassements inévitables de budget, et les futures catastrophes inévitables puisque Patateman est impliqué jusqu’à la racine.

 Icare, le ptérodactyle de Patategirl, servira de ‘’grue volante’’ pour les prises de vue en altitude. Patatras aussi participe au projet, même s’il n’a pas compris grand-chose. Puis, une fois l’équipe constituée, le matériel rassemblé, c’est le grand jour : le tournage commence !

Comme un air de vacances

 Le script prévu par Patateman reprend donc dans les grandes lignes celui de son turbulent prédécesseur, mais quelque peu remanié selon ses goûts… Pour remporter les deux places pour le voyage inaugural à bord du Titanic (une place pour Patateman et l’autre pour Tomateman, qui, comme d’habitude, ne brille pas par son enthousiasme), il n’y aura .pas de partie de pocker comme avec Leonardo DiCaprio contre ses deux concurrents…

… mais une autre sorte de pari : le finaliste qui arrivera à ingurgiter le maximum de verres de schnaps gagnera le droit, avec son coéquipier, de remporter une place de 3ème classe à bord du Titanic avec comme surprise de fin de voyage : un bain de minuit dans l’océan Atlantique Nord, au son suave des violons (croisière Prestige oblige)

 Les deux billets attendent sagement sur la table maculée de taches de bière et autres substances collantes difficiles à identifier.

 Mais pour l’heure, dans l’atmosphère enfumée mais conviviale du pub poétiquement intitulé ‘’Chez Jeannette, on est pompette’’, avec en fond musical le tintement des verres, Patateman considère d’un œil torve le 32ème verre de schnaps dans sa main, puis l’avale cul sec.

 Son adversaire, titubant en face de lui, saisit maladroitement son propre verre, et s’écroule sous la table avant de l’avoir fini. Patateman remporte donc haut le coude (et le verre) ce difficile défi. Sous les acclamations d’un public d’esthètes, Patateman récupère les billets. Malgré cette victoire, Tomateman a l’air soucieux :

‘’_ Franchement, ce voyage, je le sens mal. J’ai un mauvais pressentiment, je suis sûr que cette croisière va mal tourner…

_ Mais noon ! Tu vois des catastrophes partout, et elles ne se réalisent jamais… Ne t’inquiète pas, on va se marrer !’’

 Puis Patateman commande un whisky, car ce genre de compétition lui donne soif ! Jeannette lui rappelle alors qu’il n’a que 10 minutes pour embarquer à bord du Titanic. C’est donc la cavalcade au milieu des badauds patatifères – il n’y a pas d’humains dans ce film, que des légumes – qui encombrent les quais pour parvenir aux passerelles d’embarquement.

 Emporté par son enthousiasme, Patateman fait des coudes aux autres patates qui sont engagées sur la passerelle ‘’Paaardon, paardon, s’cusez-moi… Mais poussez-vous, bande de patates !’’, et finit par en expédier malencontreusement plusieurs à la flotte.

‘’_ Ouups ! Bah, c’est goûteux, les pommes de terre à l’eau !

Tomateman _ Et voilà, c’est parti avec les jeux de mots foireux…’’

 L’Auteur de la BD, qui a tout filmé, se grattouille les cheveux de manière dubitative, se demandant si la profondeur intellectuelle du script de Patateman ne va pas dérouter le public…

 Ouais, et conformément audit script, le Destin est en marche : sur la passerelle réservée aux passagers de 1ère classe, Patategirl, accompagnée d’Icare, son ptérodactyle, embarque elle aussi, fière et superbe… mais maussade : elle qui rêve de devenir chanteuse d’opéra et d’émouvoir un public d’esthètes raffinés grâce à sa voix suave et cristalline, sous l’avalanche épaisse de bouquets de fleurs balancés par des admirateurs éperdus, se retrouve, malgré elle, l’héritière de la conserverie de cornichons de Tonton Gustave.

 Et Auberginos, accompagné de son peu recommandable compère Radis-man en sont les actionnaires principaux. Ils se collent donc aux basques de Patategirl tout en se frottant les pognes : pas question de laisser filer une affaire pareille !

 En attendant, à l’autre bout du paquebot, à la proue, Patateman monte sur le bastingage et, les bras levés, hurle :

‘’_ Je suis le Roi des Pataaaates ! La Grande Friteuse est avec moi !’’

 A côté de lui, Tomateman affiche son air blasé légendaire, et marmonne :

‘’_ Mouaiis… Tu n’en fais pas un peu trop, là ?’’

 Le soir, petite réunion de l’équipe de tournage autour d’une bouteille de muscadet. Patateman et Patategirl sont ravis, les autres sont plus dubitatifs ; le film semble bien parti, et il y a un bon rythme. Maintenant, il va falloir entamer la partie romantique du script : la Rencontre entre les deux tourtereaux.

Un peu de tendresse, bon sang

 La lune se reflète malicieusement dans l’eau plate sur laquelle file le Titanic, puis gros plan où deux petites silhouettes furtives se faufilent dans une coursive. Il s’agit de Patateman, et de Tomateman, inquiet :

‘’_ Je suis inquiet. On n’a pas de flyers, on n’a pas le droit d’être ici ! C’est la partie réservée aux passagers de 1ère classe !

_ Ne flippe pas, voyons. D’après le vigile qu’on a rudoyé, on doit arriver à la porte qui… ça y est, c’est là !’’

 Ils parviennent dans le grand hall, avec sa fameuse horloge trônant au sommet du double escalier. C’est la fête : une foule compacte de fêtards déchaînés se trémoussent sous les rythmes endiablés du DJ et des boules à facettes suspendues à la coupole en verrière et qui renvoient les rayons des spots multicolores. Le tout en cadence sous les refrains enfiévrés ‘’WAAAAAÏE-ÊÊÊME-CIIII-HEEEY !’’ pendant que sur un écran géant, on peut admirer une chorégraphie avec des patatoïdes portant des casques bariolés. Malgré l’ambiance bon enfant, l’Auteur est quelque peu dubitatif, l’action est sensée se dérouler en 1912…

 Une pluie de confettis, de ballons et de serpentins multicolores recouvre le parquet ciré de son manteau duveteux. Beaucoup de patates portent des loups et autres masques, on se croirait aux carnavals de Venise et de Rio réunis sous un même toit… bref, tout cela ressemble à une fête somme toute réussie, agrémentée par le ballet harmonieux des serveurs qui zigzaguent avec leurs plateaux chargés de coupes de champagne et autres boissons dites ‘’de fête’’. Patateman a un objectif : parvenir au buffet, (et surtout au bar), quand à Tomateman, il souhaiterait se trouver à mille lieux d’ici…

 Et en marge de cette frénésie alcoolisée, à l’extrémité du buffet justement, un îlot de calme : Patategirl qui s’ennuie, tout en donnant tristement des noix de cajou à Icare, son ptérodactyle. Patateman a réussi à se faufiler jusqu’au buffet, et entreprend consciencieusement de piller les portions de frites disponibles, suivi de Tomateman qui retrouve sa bonne humeur, proportionnelle à la quantité de victuailles remplissant son assiette.

 Patateman avise sa voisine de buffet :

‘’_ Dis-moi, pourquoi tu boudes ?

_ J’ai l’impression de perdre mon temps, ma vie semble dépourvue de sens…

_ Bah, la vie, c’est comme une pièce de théâtre ! C’est juste le casting qui est parfois mal foutu. Mais tu peux choisir ton rôle : la demoiselle d’honneur coincée ou la jeune aventurière pétillante ?

_ L’option 2 me plait bien ! Et toi, tu es le metteur en scène ?

_ Non, tu plaisantes. Je suis le réalisateur et l’acteur principal.

_ Je peux avoir une place dans ton casting ?..’’

 Tomateman est bluffé, il n’est pas habitué à ce genre de réflexions existentialistes de la part de son compère. Il s’éloigne un peu, pour laisser les deux patates faire connaissance. Il va lui-même flirter avec une jolie tomate qui porte un loup orné de plumes blanches et qui apprécie son charme tomatifère.

 Patatras donne le tempo en se trémoussant sur la scène, avec la Fourmi Volante qui parle tournant en orbite autour de sa caboche joufflue, le seul petit souci, c’est quand il a fait un plat dans la foule, vu son gabarit herculéen… Finalement, tout va bien : on se remplit la panse, on se désaltère le gosier et la nuit a coquettement revêtu son manteau d’étoiles. Il y a comme un parfum envoutant de poésie et de romantisme dans l’air frais de la nuit. Ce voyage se déroule finalement sous les meilleurs auspices.

 Au-dessus du vacarme de la fête, on entend Patateman dire à Patategirl :

‘’_ Ça te dit de faire un tour dans ma cabine ? Je vais te montrer comment elles brillent dans le noir, les aiguilles de mon réveil !’’

Poésie sur l’océan

 La fête s’est prolongée tardivement dans la nuit, bien au-delà des heures de tournage, ce qui fait qu’au petit matin, les membres de l’équipe ont des petits yeux. Mais the show must go on, comme dirait Freddy, et on va se préparer pour la scène du coucher de soleil.

 Il y a bien sûr avant cela une scène touchante où Patategirl est tiraillée par ses deux destinées potentielles et antinomiques : soit suivre Patateman pour un tourbillon de fêtes et de rigolade et mener une vie pétillante… soit remplir son devoir social qui consiste à hériter de la conserverie de cornichons de Tonton Gustave, pour le plus grand plaisir (et profit) d’Auberginos et de Radis-man.

 Le cœur déchiré, elle dit à Patateman, sur un ton résigné qui ne lui ressemble guère, qu’elle ne peut se soustraire à ses obligations, bien que Patateman lui ait fait délicatement remarquer qu’en ce cas, elle choisissait une vie conne au détriment d’une vie bonne.

 Bref, tel un prélude à un Requiem de Mozart, le soleil se couche sur les vagues frangées d’écume de l’océan Atlantique. Patateman squatte, comme d’habitude, la proue du paquebot, l’air maussade, avec en arrière-plan sonore, les mouettes qui piaillent en un grotesque opéra psittacidé. Puis, on aperçoit derrière lui, arriver Patategirl, pour la scène mythique.

‘’_ Bonjour Patateman.’’

 Celui-ci se retourne.

‘’_ J’ai changé d’avis.’’

 Patateman sourit.

‘’_ On m’a dit que je te trouverai ici, et…

_ Chhht… Donne-moi la main.’’

 Patategirl lui tend sa délicate main toute fine.

‘’_ Et maintenant, ferme les yeux. Allez !’’

 Elle s’exécute, puis il l’aide à grimper sur le bastingage.

‘’_ Garde les yeux fermés. Tu me fais confiance ?

_ Je te fais confiance.’’

 Il lui fait étendre les bras, tel un avion.

‘’_ Maintenant, tu peux ouvrir les yeux.’’

 Le vent lui ébouriffe la tige feuillue au sommet de sa tête, elle a les yeux grands ouverts, ébahie par le tableau.

_ Mais… Patateman… Je vooole ! Je voole !’’

Les membres de l’équipe de tournage ont le souffle coupé, les larmes aux yeux devant tant de poésie ; on n’entend pas un mot, même les mouettes font silence.

‘’_ Je suis ravie devant tant de beauté ravissante ! Je pressens qu’on va passer une soirée inoubliable !

_ Sois bien attentive, maintenant… tu aperçois, tout à l’horizon, le gros iceberg joufflu vers lequel on fonce ?

_ Oui, je le vois…

_ Regarde bien, au sommet… Il y a deux ours blancs assis dessus…

_ Ouiii, ils sont trop mignons !

_ Ils se tiennent par la main…

_ C’est touchant…

_ Il lui lèche le lobe de l’oreille, et…

(L’Auteur) _ Stoooop ! On coupe, ça ne va plus, là…’’

 Patateman roule de gros yeux surpris :

‘’_ Quel est le souci ?

_ C’est un film RO-MAN-TIQUE, je te rappelle. Roméo et Juliette sur l’eau.

_ Mais on est romantiques, là ! Et puis, on ne tourne pas la petite maison dans la prairie, tout de même !

_ Bon, on la retourne…

(Patategirl) _ Reste poli !’’

Un glaçon trop gros pour mon scotch

 Pendant ce temps-là, Auberginos et Radis-man, son infréquentable associé, rongent leur frein. Patategirl est introuvable, et sans sa signature, adieu le pognon… Les deux lascars ont beau fouiller tous les bars du paquebot, pas trace des deux patates. Et pour ne pas arranger les choses, la nuit tombe et la température avec, car on barbote à présent en plein Atlantique Nord. Même les mouettes se foutent de leur gueule.

 Heureusement, il y a un petit cocktail organisé par le commandant, avec vin chaud à volonté. Les deux pieds nickelés y cavalent dare-dare, histoire de rattraper cette soirée qui s’annonce pourrie.

Icare

Et à propos de vin chaud… en haut du mât, deux patates-matelots s’emm…bêtent au-delà du supportable. Alors, se repassant leur bouteille thermos, ils dégustent un vin chaud bien corsé, parfumé à la cannelle et aux écorces d’orange. Quand au caméraman, il est suspendu à une nacelle tractée par Icare, le ptérodactyle que Patategirl a ramené de son voyage dans le temps.

‘’_ Hiips ! Encore une nuit où il ne va rien se passer. Et dire qu’en bas, ils font la fête … Hep ! C’est quoi, ça ?!’’

 Un énorme iceberg bien joufflu apparait, avec deux ours blancs agglutinés au sommet.

‘’_ Un… un iceberg ! Droit devant !

_ D’accord. On reste calme. Alors, voyons mon règlement… hmm… ah, voilà : en cas de crash avec un iceberg, remplir le formulaire H2O-13 en trois exemplaires qui doivent être tamponnés par les services autorisés, puis…

_ Mais arrête de jacasser, il y a un danger, là !

_ Certes, j’entends bien, mais la procédure doit être respectée. Ordre et efficacité. Je vais appeler pour qu’on m’envoie par pneumatique le formulaire H2O-13, ensuite…

_ Mais boucle-laa ! Houston, on a un problèèème !

_ Pour Apollo 13, tu es en avance, je te rappelle qu’on est en 1912. Alors… ah, j’ai un formulaire sur moi, quelle chance ! Bon, tu as mon stylo ? Tu sais, celui qui fait ‘’meuuh’’ quand on le retourne ?

_ Heiin ?’’

 L’Auteur se prend la tête dans les mains, cette adaptation est un vrai massacre, une ‘’atteinte au bon et à la décence’’ pour reprendre l’expression d’Ignatius Reilly.

 Pendant ce temps-là, au niveau du pont, Patateman et Patategirl roucoulent, la nuit est belle. Patategirl, au comble de la félicité, susurre :

‘’_ Quand on arrivera à destination, je m’enfuirai avec toi !

_ Et tes marchands de cornichons ?

_ Ils n’ont qu’à imiter ma signature, cela m’est égal. De toute façon, Tonton Gustave est complètement gâteux, quand il n’est pas ivre-mort, il ne s’apercevra de rien. Je veux rester avec toi, tu me rends folle ! Ta racine me fait bouillir la sève !

_ Ça te dit de jouer aux pommes de terre sautées ?

(L’Auteur) _ Coupeeez ! Stoop, on arrête tout, ça ne va plus.

(Patateman) _ Oooh, mais quoi, encore ?..

‘’_ Cette scène doit être émouvante, c’est quoi cette improvisation ?

(Patategirl) _ Mais on respecte le script ! Je l’ai coécrit avec Patateman.

_ Ah ben, tout s’explique… Bon. On la retourne. La scène.

(Patateman) _ Alors, il va falloir faire vite, car je vois arriver…’’

 Un énorme fracas, assourdissant, quand le paquebot percute l’iceberg. Le Titanic passe tout du long, faisant profiter du spectacle les passagers présents sur le pont. Au sommet dudit iceberg, on voit les deux ours qui sont blottis l’un contre l’autre pour se tenir chaud (c’est du moins ce qu’ils essayent de faire croire).

 En haut du mât…

‘’_ Touchéé ! On a touché !

_ Parfaitement exact. Ton analyse de la situation est pertinente et j’admire ton esprit critique. Mais du coup, subsconséquemment au choc, j’ai fait une rature sur le formulaire H2O-13… Bon, je descends en récupérer un autre pour le remplir correctement. Ordre et efficacité, c’est ma devise.’’

 C’est rapidement la panique, et pendant que l’orchestre entonne La Chanson de la Chenille pour égayer l’ambiance, voilà que Tomateman déboule sur le pont, la taille enserrée dans une bouée à tête de canard qui fait ‘’Coin coin’’.

‘’_ C’est une catastrophe !

(Patateman) _ Hmmm, pas sûr. Il y a une petite voie d’eau, j’en conviens, mais avec quelques casseroles pour écoper, ça devrait suffire.

_ Une petite voie d’eau ? C’est une brèche énorme, les cales et les stocks de spiritueux sont inondés ! Il faut évacuer, le bateau va couler !

_ Bah, on a des bouées, quel est le souci ?

_ Franchement Patateman, qu’est-ce que c’est pour toi, une situation grave ?

_ Hmm… ne pas prévoir un nombre de canots suffisants car on se croit infaillible et ainsi, perdre bêtement des vies parce qu’on a confondu fierté légitime et orgueil démesuré ?

_ Pour une fois, une remarque sensée ! Je suis fier de toi !

_ Moi aussi, je suis fier de moi.

(Patategirl) _ Dites, on quitte le navire ou on apprend à nager ?’’

Le cirque est à son comble, tout fout le camp… Au milieu des canots en pagaille, des patates terrifiées et autres légumes qui se jettent à l’eau, on aperçoit, perdus dans ce potage géant, Auberginos et Radis-man agglutinés sur un petit matelas gonflable. Leurs bras sont encombrés de pots de cornichons, ils ont même réussi à en entasser sur leur embarcation de fortune.

Et quand, à la fin de toute chose, il ne reste plus qu’un chapelet de bulles, on entend l’employé modèle et consciencieux dont la devise sur l’ordre et l’efficacité a été quelque peu malmenée, s’exclamer sur un ton dépité :

‘’_ Il ne me reste plus de formulaires Inondation ! Je vais devoir faire une réclamation, c’est une situation intolérable !’’

Bain de minuit

 Le navire réputé insubmersible n’est plus… Patategirl est recroquevillée, tremblante de froid, sur une ancienne porte qui flotte. Patateman, gentleman, lui a laissé la place – trop petite pour deux – et s’agrippe à l’autre extrémité.

‘’_ Patategirl, tu ne trouves pas que la qualité de cette croisière est franchement tombée à l’eau ? Je vais envoyer un mail bien senti à ces enfoirés de la White Star sur toute cette affaire.

_ Patateman… je t’aime.

_ Non ! Ne fais pas celle qui me dit adieu. Pas tout de suite en tout cas. Bien que la situation paraisse désespérée, sans issue, tu dois garder espoir et me promettre que tu n’abandonneras jamais ! Ce voyage m’a mené à toi, et j’en suis redevable à la marche inéluctable du Destin. Tu dois survivre, promets-le moi.

_ Oui, sniirfl, je te le promets, ma pomme de terre rissolée…

_ Tu t’en sortiras, et tu deviendras l’héroïne d’une bande dessinée. Et puis il y aura des effigies de nous en peluche qui vont révolutionner le marché du jouet, puis tu deviendras une star mondiale. Les foules se bousculeront pour te mendier des autographes que tu n’accorderas qu’au compte-gouttes, la mine fière et superbe ! Ce sera ton grandiose destin, tu ne finiras pas gelée ici, dans cette nuit obscure et sombre…

_ Sniiirfll, comme c’est émouvant ce que tu dis, c’est beau comme l’Opéra Casse Noisettes de Tchaïkovski, tu sais, la Valse des Fleurs…

_ Ah, heuu, ouais…

_ Tout devient silencieux.’’

 Effectivement, toute l’agitation des baigneurs forcés s’est éteinte, et l’ambiance devient assez flippante. Auberginos et Radis-man sont statufiés par le gel sur leur matelas gonflable, des stalactites de glace pendouillent de leurs trognes feuillues.

‘’_ Les canots ont du s’éloigner tout à l’heure pour ne pas se faire aspirer par le paquebot. Mais ils vont bientôt revenir.

_ Je ne sais pas si je tiendrai, je ne sens plus mon corps… J’ai si froid…

_ Bah oui, mais si tu ne te baladais pas tout le temps toute nue…

_ Mais toi non plus, tu ne portes pas de vêtements !

_ Ouais, mais moi, je ne fais pas fantasmer les ados et…

(L’Auteur) _ Coupeeeez ! On ne va jamais y arriver…

(Patateman) _ Mais si. Toutes les répliques sont mûrement réfléchies, en un tout cohérent et harmonieux.

_ Bon, de toute façon au point ou on en est…’’

 Tomateman se pointe en pataugeant, avec sa bouée à tête de canard :

‘’_ Et puis, je vous signale qu’on a les scènes de fin à tourner. La production m’a appelé, on a explosé le budget.’’

Epilogue

 Un soleil morose se lève sur les quelques canots qui pagayent sans grande conviction au milieu des icebergs, tandis que le Carpathia arrive à la rescousse. Quand à Patategirl, elle est emmitouflée dans une couverture, dans la barque qui l’a recueillie. Patateman, tout gelé, est allongé à côté d’elle.

 Même une fois parvenue sur le pont du Carpathia, elle refuse de se séparer de son Patateman. Un matelot, pour la réconforter, lui fait remarquer qu’à présent, elle peut l’utiliser comme presse-papier. Puis, toujours gentleman, il lui propose une thermos de vin chaud à la cannelle.

 Tomateman, tête basse sur un banc, boit sans le savourer un bol de soupe chaude.

 Patategirl se sert tristement un gobelet de vin chaud, elle a une mine défaite, accablée… Alors qu’elle s’apprête à se lever, elle entend à côté d’elle une voix joviale :

‘’_ Alors, on ne partage plus ? Moi aussi, j’ai soif !

_ Pa… Patateman ? Mais je te croyais mort ?

_ As-tu oublié que nous autres patatoïdes mutants, on est immortels ? Il suffisait juste d’attendre que je sois dégelé. Me voilà de retour !

_ Alors, tu veux toujours que je sois ton électron qui tourne autour du noyau ?

_ Mais oui, d’autant plus que j’apprécie la métaphore du noyau.’’

 Tomateman en renverse son bol, tant il exulte de joie :

‘’_ Et moi qui commençais à avoir la nostalgie de tes outrances ! Te voilà de retour, pour de futures aventures et autres catastrophes ! C’est un miraaacle !

(Patategirl) _ Car en vérité, c’est lui, le Kwizatz Haderach !’’

 Et les deux tourtereaux s’embrassent sous les applaudissements des survivants. Et c’est fini.

 Rideau.

Post-Epilogue

 Le projecteur est éteint, les lumières rallumées. Sous les vivats enthousiastes et une épaisse pluie de confettis, les patatoïdes et autres légumes constituant le public de la projection portent toute l’équipe à bouts de bras. Patateman jubile, Tomateman qui est porté à côté de lui est plutôt dubitatif, et un peu en retrait, Patategirl glousse : ‘’Vous me chatouillez !’’

 Et dans leur guérite, Auberginos et Radis-man, ravis eux aussi, sont en train de compter l’impressionnante recette de la soirée.

 Patateman, se balançant au gré de la vague de bras patatifères qui le propulse, entame son cinquième sac de pop corn, et arbore une mine réjouie.

‘’_ Je trouve qu’on s’en sort assez bien, non ?

(Tomateman) _ C’est un point de vue…

_ Mais regarde, on nous porte en triomphe !

_ Mouaiis…

_ Faudrait penser à faire une suite !

_ Heuuu, on verra…’’

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 Voilà le script dans les grandes lignes. Vos avis, suggestions ? Laissez un commentaire ci-dessous !

À propos de patatemanblog

Dessinateur autodidacte.

Publié le 11 avril 2012, dans Projets d'épisodes BD, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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